L’orchestre symphonique d’Europe etait un concept. Un orchestre symphonique privé permanent de jeunes musiciens issus de toute l’Europe continentale.
Je me souviens de l’immense bureau que nous partagions avec Olivier Holt et Laurent Kupferman. Il donnait de plain pied sur la salle de répétition le tout abrité dans une ancienne imprimerie au fond de la cour du 168 rue de Crimée à Paris. Au sol du large couloir d’accès à la salle de répétition, le logo de l’orchestre réalisé en carreaux de mosaïque. De ce bâtiment il ne reste rien aujourd’hui.
Ce bureau etait a l’image du trio de direction que nous constituions. Porteur du projet de l’orchestre, j’en ai pris naturellement l’administration. A Olivier Holt la direction artistique avec toute la richesse d’un jeune chef né dans une très grande famille d’artistes. À Laurent Kupferman l’événementiel et les relations publiques. C’est à lui qu’on doit nombre d’événements marquants tels l’accueil de Nelson Mandela, le prix du cinéma européen, les classiques de Jacques Martin, etc.
L’orchestre c’était 110 salariés qui venaient tous les jours exercer leur métier de musicien au gré des contrats que nous obtenions ou des initiatives que nous prenions. C’était la permanence d’une formation pour construire un son, une identité musicale, plus de 250 concerts entre 1988 et 1992, baroudeurs du territoire européen. C’était des jeunes musiciens qui venaient de 14 pays d’Europe.
C’était aussi une grille tarifaire unique dont la clef etait l’harmonisation du prix quelque soit le lieu où jouer sur le territoire européen. Un atout majeur pour une structure privée qui devait concurrencer les prix du secteur subventionné ou, pire, des pays de l’est ou des formations de cachetonneurs proposant du son au rabais, nées le jour du concert, mortes le lendemain.
C’était les plateaux de télévision qui faisaient honneur à la musique classique : Jacques Chancel, Eve Ruggieri et enfin Jacques Martin, aux côtés d’artistes interprètes de renommée internationale.
C’était enfin une équipe formidable de jeunes décidés à mordre la vie à pleines dents et amoureux de leur métier. Nous avons tout lâché et nous sommes entrés dans la vie comme ca.
Fallait il loger les musiciens venus de l’étranger ? qu’à cela ne tienne. Nous avons loué pour eux des appartements à Noisy le Grand grâce à l’aide d’un groupe de 1% patronal. Fallait il constituer un capital ? Qu’à cela ne tienne, nous avons convaincu la Caisse des dépôts et la banque ARJIL de devenir actionnaires, aux côtés de chacun de nous s’endettant pour l’occasion.
Successivement baptisé Opéra Jeunesse, Jeune Orchestre Symphonique d’Europe puis Orchestre Symphonique d’Europe, l’orchestre a été une aventure exceptionnelle dont la mémoire ne m’a jamais quitté.
L’Europe et la musique nous portaient. Nous n’avions pas 30 ans. Nous vivions un espoir, une force, celle de nous inscrire dans la construction d’un monde nouveau et de paix qui avait nom Europe.
Eric Walter