L’orchestre Symphonique d’Europe, une Utopie ? Par rapport à nous aujourd’hui, oui.
Récession culturelle, doute d’une partie du pays par rapport à l’Europe. Les années 80 c’était l’explosion de la culture : les « Grands Travaux », la création de Festivals, l’émergence des Compagnies de Danse, les entreprises qui font de l’évènementiel… L’Orchestre Symphonique d’Europe s’inscrit dans cette dynamique, dans ces années du « Tout est possible ».
Mais que l’on ne s’y trompe pas. Cet orchestre n’était pas seulement le fruit de la pensée d’un groupe de jeunes redoutablement intelligents et en avance sur leur temps : c’était une réalité artistique et économique indéniable, et qui nous manque terriblement aujourd’hui. En effet qui pourrait nier l’intérêt d’avoir, en ce moment, un orchestre disponible immédiatement pour faire des tournées, jouer dans des Musicals à Paris, au Châtelet par exemple, présenter des programmes pédagogiques, et, désolé mais il en est ainsi, remplacer ponctuellement les quelques orchestres permanents dont les municipalités ne peuvent plus supporter les frais.
Modèle économique certes (avec forcément à la clef des tarifs compétitifs) mais effervescence artistique aussi. J’ai pu monter plusieurs spectacles importants qui n’auraient jamais vu le jour sans cet orchestre, pour la bonne et simple raison que les lieux producteurs n’en possédaient pas : le Cargo à Grenoble et l’Opéra Comique à Paris. L’adaptation de Phi Phi de Christiné a connu deux ans d’exploitation en France et à Paris. Puis La Vie Parisienne d’Offenbach à l’Opéra Comique, qui triompha à Favart pour les Fêtes fin 1990 :
L’année suivante ce fut une création mondiale, L’As-tu Revue ? (Musique de J.M. Damase), dédiée à Gabriel Bacquier, au travers d’une évocation des Revues à l’ancienne. L’orchestre Symphonique d’Europe fut dirigé par Olivier Holt, MES Olivier Bénézech, Décors Alain Lagarde, Costumes Christian Lacroix.
L’orchestre fut Producteur exécutif.
Il régnait au 168 rue de Crimée une effervescence warholienne digne de la Factory. On y croisait toutes sortes de vedettes, on y répétait, on y faisait la fête. Certains y vivaient, créant une atmosphère de communauté dans la cour de l’immeuble. Des bobos qui ne savaient pas encore ce que c’était…
Déjà la mixité sociale était de mise : on y voyait des actrices bourgeoises venues de la rive gauche côtoyer les familles populaires, et pour quelques soirées la Factory se changeait en salon « du Faubourg St Germain » avec des dîners aux chandelles. Éric Walter et Laurent Kupferman (sans oublier Pascale Olivier) se transformaient alors en maîtres de maison élégants, avec toujours ce petit quelque chose qui fait que l’on ne se prend pas au sérieux et que le rire n’est jamais loin.
Car c’est un temps que les « moins de vingt ans ne peuvent pas connaître » : on riait et on bossait. Mais c’est une expérience qui pourrait très bien renaître aujourd’hui : peut-être à côté de Paris… ?
Olivier Bénézech, mars 2015.