La fin des années 80 a été marquée par des bouleversements sans précédent, par l’émergence d’évolutions technologiques majeures. Le monde tel que nous connaissions était à la veille de mutations radicales. A New York, les tours jumelles du World Trade Center étaient encore debout, et Internet ne faisait pas partie de notre vocabulaire.
Lorsque j’ai franchi les portes du fond de cour de la rue de Crimée, j’ai compris que j’allais vivre une expérience qui allait modifier le cours de ma vie. Les locaux improbables qui nous accueillaient, avec nos bureaux qui précédaient la salle de répétition de l’orchestre, et les musiciens eux mêmes, étaient à la mesure du pari fou que représentait cette aventure. Les fondateurs, les musiciens, l’équipe commerciale : nous vivions tous à l’unisson.
Les deux ans et demi passés au sein de l’orchestre m’ont ouvert les portes de lieux inconnus et fait découvrir de nouveaux horizons. J’apprenais la musique et je découvrais le monde de l’entreprise, je rêvais avec les artistes et j’étais dans le même temps confronté à des réalités économiques complexes.
Le soir j’arpentais les plateaux de télévision ou les coulisses des salles de concert les plus prestigieuses et dans la journée j’apprenais le commerce en promouvant cet étonnant orchestre-entreprise à géométrie variable. C’était ludique, passionnant et plein de surprises. Je découvrais l’envers du décor avec des yeux émerveillés mais je portais un regard d’adulte sur la nécessité impérieuse qui nous était faite de vendre l’orchestre.
Certains voyaient là une utopie, mais nous y croyions un peu plus à chaque remise de fonds, à chaque entrée de nouveaux actionnaires, qui aidaient à conforter l’aventure.
Je comprenais peu à peu les équilibres fragiles qui permettaient à cette fabuleuse machine d’exister, l’importance revêtue par les soutiens altruistes des amis et des banques, réalisant que tout cela tenait souvent à un fil.
Et au delà nos rêves il y avaient ces destinées, ces musiciens talentueux venus de toute l’Europe voire d’ailleurs, qui formaient désormais une seule et même famille. Quelles que soient les difficultés croissantes que nous rencontrions, ils étaient toujours présents, prêts à jouer, à se donner corps et âme pour l’OSE.
Mais un jour la dure réalité économique a mis un terme à cette belle aventure humaine. J’en ai éprouvé une grande tristesse, mais j’étais encore plus reconnaissant à Eric Walter et à Laurent Kupferman de tout ce que j’avais appris à leurs côtés. Je connaissais désormais la musique, au propre comme au figuré, et je décidais alors de me lancer dans les affaires sans abandonner le monde de la culture.
L’année suivante je créais avec Eric Lamy « La Symphonie des Managers », événement qui visait à souligner l’analogie entre la direction d’un orchestre et celle d’une entreprise, qui m’avait tellement impressionné.
Sans nul doute, à mes yeux, un hommage à l’expérience fondatrice de l’OSE.